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Le touret plissé, interprétation.

rédigé par Sihame CORNETET

 

Il est important que je précise, avant de présenter ma réalisation, que dans cette tentative de reconstitution, je me suis attachée au rendu visuel avec des techniques modernes n'ayant pas de sources ou de textes se rapportant à cela.

 

Depuis plus d'un an, je travaille sur les accessoires utilisés pour se couvrir la tête, chez les femmes au XIIIe et me suis attardée, plus particulièrement, sur l'énigmatique touret. Nombre d'entre nous nous en ont réalisé de très beaux, de différentes formes avec des rendus visuels très différents les uns des autres.

 

En échangeant sur des forums, des idées ont été proposées, d'autres ont émergé, auxquelles on avait pas pensé avant et c'est ainsi qu'on avance.

 

Logiquement, à l'époque de la mode des chapeaux, toutes femmes distinguées devait en avoir plusieurs et donc, très probablement, le cas pour le touret au XIIIe. Il fallait donc un accessoire facilement transportable et facilement nettoyable.

Les sources

J'ai fait le choix de travailler, exclusivement, sur le statuaire ayant plus de matière pour ma démarche : la présentation en 3D aidant à mieux visualiser l'objet.

 

Fig 1. Début XIIIe, Cathédrale de Chartes. (Photo Sihame Cornetet, Cité de l'Architecture)
Fig 1. Début XIIIe, Cathédrale de Chartes. (Photo Sihame Cornetet, Cité de l'Architecture)
Fig 2. Début XIIIe, Cathédrale de Chartres. (Photo Sihame Cornetet, Cité de l'architecture)
Fig 2. Début XIIIe, Cathédrale de Chartres. (Photo Sihame Cornetet, Cité de l'architecture)

Observations

      1. La hauteur

Ces têtes de statues présentent des tourets assez hauts. Contrairement aux statues de la deuxième moitié du siècle et de la fin du siècle qui perdent en hauteur, celles-ci font, en moyenne, 1/3 de la hauteur du visage : était-ce une norme de cette période, une mode ?

 

      2. L'aspect

Les plis très marqués donnent un indice, très probablement, sur la rigidité de cet accessoire de mode. On remarque aussi que les plis très prononcés en haut du touret s'estompent, de manière progressive, vers le bas pour disparaître complètement à la base.

La régularité du plissé ne peut être obtenue que par un pliage en accordéon.

 

      3. La forme

Une base circulaire, même si la tête humaine ne l'est pas ou, du moins, une forme qui s'adapte au tour de tête. Donc penser l'éventualité d'un touret qu'on garde ouvert mais qu'on coud ou que l'on fixe sur la tête de sa porteuse facilitant ainsi son transport, par la même occasion, mais ce ne sont que des suppositions.

Autre point de détail important la forme cylindrique, qui n'en est pas une ! En effet, si l'on réfléchit bien -après test- un rectangle plissé dans sa partie supérieure perdrait, forcément, en longueur et on aurait ainsi un touret qui se rabattrait, légèrement, vers l'intérieur : forme qu'on ne voit pas sur les têtes présentées ci-dessus.

 

Sur la fig 2, on observe même dépasser, légèrement, une bande de tissu expliquant une superposition avec dépassement : petite fantaisie de l'artiste ou réalité ? En tous cas, à tenter !

La réalisation

1. Le choix des matières

Si l'on se réfère au rapport Burgos et que l'on observe la pièce de lin retrouvée, il est impressionnant de voir que les plis ont traversé les siècles, ci dessous une image :

Fig 3 : image Extraite du PDF : Rapport Burgos (Photo Marie-Anne Vedeler)
Fig 3 : image Extraite du PDF : Rapport Burgos (Photo Marie-Anne Vedeler)

On savait donc faire du plissé au XIIIe soit par des techniques de chauffe, de bains spécifiques ou une forme de tissage spéciale ? D'après ce que j'en sais, pas de pistes trouvées dans ce sens, pour l'instant.

 

Il serait judicieux de se poser la question : peut-on envisager un touret tissé ?

 

J'ai choisi donc de travailler avec deux matières existant à cette époque : soie et lin. Il est indiscutable que le tissage moderne de ces deux tissus n'est aucunement comparable à celui utilisé par nos ancêtres et que, par conséquent, nous ne pouvons obtenir de résultats concluants.

 

Pour le lin, j'ai décidé de travailler avec une toile à broder assez rigide et qui offre une mise en forme assez satisfaisante comme on peut le voir sur la fig 5.


Fig 4. De gauche à droite : soie et toile à broder en lin (Photo Sihame Cornetet)
Fig 4. De gauche à droite : soie et toile à broder en lin (Photo Sihame Cornetet)
Fig 5. Lin plié par simple pression entre deux doigts (Photo Sihame Cornetet)
Fig 5. Lin plié par simple pression entre deux doigts (Photo Sihame Cornetet)

2. Étapes de la réalisation

a) Les mesures et le tracé

Je précise, avant tout, que les mesures correspondent à mon tour de tête et peuvent varier en fonction des personnes.

  • Mesure tour de tête (à la base du touret) : 57 cm + 4cm soit 2cm de chaque côté pour la couture et l'ajustement lors du port
  • Hauteur : 9 cm + 1cm pour la couture
  • Mesure en haut du touret : 66cm + 4cm pour la couture et l'ajustement
Fig 6 : traçage du patron (Photo Sihame Cornetet)
Fig 6 : traçage du patron (Photo Sihame Cornetet)
Fig 7 : pliage du patron pour les essais (Photo Sihame Cornetet)
Fig 7 : pliage du patron pour les essais (Photo Sihame Cornetet)

b) La couture des pièces

Le patron réalisé en (a) du 2, va servir de pièce test. Une fois les que les essais avec patron plissé sont concluants, on passe à la découpe de la soie et de la toile de lin.

Pour la soie, poser le patron sur une bande de soie pliée en deux pour éviter d'avoir deux coutures.

Pour le lin, une seule pièce non doublée suffit pour le touret.

 

c) L'amidonnage

La technique d'amidonnage utilisée n'est pas historique mais elle permet tout de même d'obtenir un résultat visuel satisfaisant.

 

Recette de l'amidonnage : mélanger quatre ou cinq cuillères pleines d'amidon (poudre de maïs) dans 1/2 litre d'eau froide et mélanger jusqu'à l'obtention d'un liquide homogène.

 

Après avoir cousu la pièce de soie, la retourner à l'endroit. Tremper successivement, la soie et la toile de lin en s'assurant que tout le tissu est bien mouillé et imprégné d'amidon. Essorer légèrement et mettre à égoutter.

Lorsque les deux bandes sont bien égouttées -elles ne doivent pas être totalement sèches pour faciliter le repassage-, insérer le toile de lin dans la soie.

Fig 8 : bain d'amidon (Photo Sihame Cornetet)
Fig 8 : bain d'amidon (Photo Sihame Cornetet)

d) Le plissage

Le plissage est réalisé au fer à repasser. Afin d'avoir un bon résultat, ne laissez pas vos pièces sécher complètement, elles doivent rester humides. Je pars d'une des extrémités et je plie à 1,5 cm.

Fig 9 : plissage de la bande (Photo Sihame Cornetet)
Fig 9 : plissage de la bande (Photo Sihame Cornetet)

 

Chaque côté plié est repassé comme sur la Fig ci-dessus.

Renouveler l'opération jusqu'à la fin de la bande. Vous obtenez ainsi ce qui suit :

 

Fig 10 : plissage de la bande de soie et de la toile de lin
Fig 10 : plissage de la bande de soie et de la toile de lin

Si le touret plissé reste humide, le mettre à sécher complètement.

 

Votre touret est ainsi terminé et il ne vous reste plus qu'à l'ajuster à votre tour de tête. Je conseillerai de l'épingler discrètement sur l'arrière (côté intérieur) afin d'éviter la couture (difficile sur de la toile de lin rigide). Votre touret est ainsi prêt à être transporté avec vos accessoires car il prend très peu de place.

 

Fig 11 : touret fini (Sihame Cornetet)
Fig 11 : touret fini (Sihame Cornetet)

Le résultat final

PS : tout le travail que nous réalisons n'est pas possible sans la richesse des échanges !

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